Zao Wou Ki, peintre et plus si affinité

Le Musée d’Art moderne de Paris met en valeur le peintre Zao Wou Ki, jusqu’au 6 janvier 2019. Intitulée « L’espace est silence », cette exposition remarquable est une occasion rare d’apprécier les toiles du plasticien chinois naturalisé français. Description et observation d’un artiste méconnu en France.

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Nom, Zao, prénom Wou Ki. Crédit : Thierry Ehrmann.

 

Retour sur la vie d’un homme calme et d’un artiste en recherche.

Né à Pékin le 1er février 1920, Zao Wou Ki reçoit une éducation traditionnelle, intellectuelle et artistique. Enfant, il a l’habitude d’étudier et de pratiquer la calligraphie plusieurs heures par jour. Le dessin est une pratique fidèle au véhicule d’émotion. La calligraphie n’est pas seulement une technique pour le jeune Wou Ki, elle est également un art.

A 14 ans, l’adolescent entre à l’Académie des arts de Chine à Hangzhou, la plus grande école d’art du pays. Six ans durant, il s’exerce au dessin d’après modèle, à la peinture chinoise traditionnelle et plus théoriquement, au dessin perspectif occidental. Cependant, Zao Wou-Ki recherche une autre forme d’inspiration et ressent le besoin de s’éloigner de la peinture traditionnelle. Zao Wou Ki reviendra en 1986 sur son parcours dans une interview accordée à France Culture.

Le jeune homme présente sa première exposition, à Chongqing, en 1941. Il y organise, un an plus tard, une exposition avec des œuvres surréalistes de peintres chinois, au Musée d’histoire naturelle.

« …Un grand peintre qui poursuit dans son œuvre une dizaine au moins de grands siècles de l’art chinois, et qui est un des meilleurs peintres modernes de l’Occident. » Claude Roy, écrivain et journaliste français.

Séduit par le style impressionniste, mouvement symbolisant la rupture entre art moderne et peinture académique, Zao Wou Ki s’installe dans le quartier du Montparnasse en avril 1948. Il côtoie alors des artistes de renom, Nicolas de Staël, Pierre Soulages. Le peintre chinois se lie d’une amitié forte avec Henri Michaux, poète et écrivain. Il illustre, par des lithographies, quelques poésies de Michaux.

A partir de 1952, l’artiste expose régulièrement ses toiles à Paris, Lausanne, Bâle, Chicago et New-York. Il rencontre le compositeur Edgar Varèse, et voit en lui une expression musicale talentueuse mais incomprise. Inspiré par une de ses œuvres musicale, il lui dédie une peinture de 255 sur 345 cm. Cette œuvre musicale est à écouter lors de la visite de l’exposition actuelle.

 

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« Hommage à Edgar Varèse » 15.10.64. Crédit : Aurélien Kalasz

 

Zao Wou Ki réalise également un décor pour les Ballets de Roland Petit. L’artiste expérimente et évolue dans son domaine de prédilection, mais il n’hésite pas à travailler dans d’autres domaines de création. L’artiste se rapproche d’une scène artistique fleurissante.

L’artiste, désormais reconnu, voyage durant deux ans, de 1957 à 1959, avec l’intention d’enrichir ses inspirations.

 

“ Peindre, peindre, – Toujours peindre – Encore peindre – Le mieux possible, le vide et le plein – Le léger et le dense – Le vivant et le souffle » Zao Wou-Ki, « Autoportrait ».

 

Il obtient la nationalité française en 1964 grâce à André Malraux, alors Ministre de la Culture. A la fin des années 1970, Zao Wou-Ki se marie avec sa troisième épouse, Françoise Marquet, qui l’aidera à écrire son « Autoportrait ». L’artiste s’adonne à des œuvres plus ambitieuses, dont des polyptyques. Le talent du peintre est reconnu mondialement et consacré dans plusieurs pays d’Europe, aux Etats-Unis, au Japon et en Chine.

Zao Wou Ki ne s’arrête pas de peindre. Il est décoré en 1993 du grade de commandeur de la Légion d’Honneur et reçoit la Médaille de Vermeil de la Ville de Paris. Il s’éteint, vingt ans plus tard, le 9 avril 2013. à Nyon, en Suisse.

 

Observation et analyse in situ.

L’artiste nomme ses peintures par leur date d’aboutissement. Chaque œuvre agit un peu comme une page de journal intime.

Dans ses œuvres, l’artiste peintre crée une distance intime avec l’observateur. Il saisit merveilleusement l’émotion. Il la pose dans un désert, un atelier. Il la malaxe, la tourne, la pratique et en saisit le noyau, aussi petit soit-il. Il l’éclate, il décompose le noyau pour le comprendre intiment. Il opère avec la précision d’un chirurgien.

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Zao Wou Ki, 29.09.64. Crédit : G.Starke

 

Zao Wou Ki décrit une nature violente et épaisse, sans s’en inspirer. Une nature qui protège quand on la connaît. La civilisation finit par s’effacer. Son désespoir est passion. Un horizon sombre se dessine. Il sait ce qu’il vit, il sait où il va. Des entités sombres sont ses amis, il les respecte.

Le choix des couleurs, limité à trois ou quatre pigments, est l’élément principal d’une toile « beaucoup plus riche », selon lui. Un corps à corps s’engage entre le peintre et la toile. Un contact d’une intensité forte.

Par son parcours, Zao Wou Ki a appris à manier d’abord le pinceau à encre et sa technique, puis le pinceau à gouache. Des mouvements tendres et étendus, parfois des mouvements presque défensifs, instinctifs par moment. Le peintre tire ces gestes de l’apprentissage de la calligraphie et adapte sa technique à un outil occidental, la gouache.

 

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Zao Wou Ki, encre réalisée le 24.06.1988. Crédit : Aurélien Kalasz

 

L’exposition se conclut sur une vingtaine de dessins à l’encre. Le mouvement du bras de Zao Wou Ki comme calqué sur une feuille blanche, à tout jamais.

         Aurélien Kalasz

 

Crédit photo à la Une : CC

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